Le nouveau dispositif de régulation de l’humidité dans les vitrines mis en place par le LRMH et son application pour la conservation des textiles
L’utilisation des vitrines dans les lieux culturels est de plus en plus répandue afin d’assurer une meilleure protection des œuvres d’art. Cependant, ces vitrines peuvent induire d’autres problèmes pour la conservation de ces objets. À l’intérieur des vitrines se créent des micro-climats, qui, s’ils ne sont pas contrôlés, peuvent être défavorables à la conservation des objets d’art et induire, entre autres, un risque de développement de micro-organismes. Il est donc primordial de surveiller et surtout de contrôler le climat intérieur des vitrines pour limiter les dégradations.
Différents systèmes de contrôle capable de diminuer ou maintenir l’hygrométrie au taux voulu existent, tels que des systèmes passifs comme le silicagel® ou l’adsorb® ou l’installation d’une climatisation. Depuis 2008, les pôles Microbiologie et Textile ont débuté le développement d’un nouveau dispositif de régulation des vitrines qui utilise un système d’électrolyse par une membrane de polymère. La membrane de polymère échangeuse de protons permet, sous l’effet de la différence de potentiel électrique appliquée aux électrodes, de décomposer les molécules de vapeur d’eau en ions hydrogène et dioxygène, du côté de l’anode. Les ions hydrogène migrent à travers la membrane et sont libérés du côté de la cathode où ils se recombinent avec le dioxygène de l’atmosphère pour former des molécules d’eau. Ainsi, pour réduire l’humidité dans les vitrines, il faut installer l’anode du côté intérieur et la cathode vers l’extérieur, et faire l’inverse pour augmenter l’humidité dans les vitrines. Le système est régulé par un boîtier contrôleur régulateur qui active les membranes si nécessaire en fonction des seuils d’humidité relative choisis.
Installation des membranes. Eglise Saint-Caprais, Saint-Vrain. 2010 (C) LRMH
Les avantages de ce système sont nombreux. Il est simple d’installation car il ne nécessite qu’une alimentation électrique (de 12V) et il est discret et compact. Il est également autonome, simple de fonctionnement et ne nécessite pas d’entretien quotidien.
Boitier contrôleur régulateur relié à une sonde climatique placée dans la vitrine. Eglise Saint-Caprais à Saint-Vrain. 2010 (C) LRMH
L’efficacité de ce procédé a été prouvé depuis des années dans des domaines comme l’électronique et l’aéronautique pour stabiliser l’hygrométrie mais n’avait jamais été expérimenté dans le domaine de la conservation préventive alors qu’il semble prometteur pour le contrôle des vitrines, notamment dans les monuments historiques.
En 2008, il a été proposé de tester ce dispositif sur la vitrine du reliquaire de saint Caprais de l’église de Saint-Vrain dans l’Essonne. Ce reliquaire, en bois doré, est daté du XVIIe siècle et est conservé dans la sacristie de l’église Saint-Vrain. En 2002 et 2003, le reliquaire a été restauré et installé dans une vitrine fabriquée sur mesure qui comportait des ouvertures pour créer une ventilation de la vitrine. En 2007, des taches blanches ont été repérées sur le reliquaire et le LRMH a été contacté en 2008 pour déterminer l’origine et la nature de ces altérations. Les taches blanches étaient constituées de moisissures dues à un taux d’humidité trop élevé à l’intérieur de la vitrine. Le LRMH a alors recommandé d’éliminer les recouvrements blancs avec des compresses stériles imbibées d’alcool. Cependant, pour éviter que les moisissures ne se développent de nouveau, il était nécessaire d’améliorer le micro-climat de la vitrine. Pour cela, le LRMH a conseillé de commencer par une étude des conditions climatique (température et humidité) avant toute modification de la vitrine. Il a été constaté que bien que le taux d’humidité était constant, c’est-à-dire que l’étanchéité de la vitrine était satisfaisante, il était de 70%, c’est-à-dire trop élevé et donc favorable à un développement fongique sur la surface du bois. Afin d’atteindre un taux d’humidité relative de 60%, le système de régulation par électrolyse a été installé sur la proposition et avec le suivi du LRMH. Il a fallu adapter la vitrine en créant des ouvertures de la taille de la surface des membranes entre l’intérieur de la vitrine et le caisson technique pour y placer les membranes, percer des trous pour installer les capteurs déportés des sondes climatiques pour le boitier contrôleur régulateur, renforcer l’étanchéité au niveau de toutes les ouvertures par des joints et boucher les trous d’aération. Les valeurs de température et d’humidité relative ont été enregistrées en continu depuis 2010 jusqu’à aujourd’hui et montrent que ce système de régulation de l’hygrométrie a nettement amélioré le climat à l’intérieur de la vitrine dont l’humidité relative est stable à 60%. De plus, les moisissures ne sont pas réapparues.
Reliquaire de saint Caprais exposé dans sa vitrine. Eglise Saint-Caprais, Saint-Vrain. 2010 (C) LRMH
Grâce aux résultats positifs de ce premier essai, l’intérêt de ce système pour réguler l’hygrométrie des vitrines est prouvé et des projets de vitrines équipées de ce dispositif ont été mis en place en France. En effet, le LRMH est souvent contacté pour des problèmes de moisissures ou dans le cadre de projets muséographiques.Il propose alors l’installation de ce système de régulation par membranes. Le LRMH peut ensuite suivre le projet tout le long de sa réalisation et effectuer un suivi climatique pour vérifier son efficacité, ou simplement mettre en relation le demandeur avec le fournisseur, ou encore conseiller à quel taux d’humidité relative programmer la vitrine en fonction de ce qu’elle contient.
Dans l’église Saint-Martin de Donzénac, en 2013, une vingtaine d’objets d’orfèvrerie placés dans une vitrine et classés monuments historiques ont été victimes d’une importante contamination de moisissures. Le LRMH a alors été contacté pour identifier les causes de ces recouvrements fongiques, proposer un traitement si nécessaire et mettre en place des mesures de conservation pour éviter une nouvelle apparition de moisissures. Une opération de nettoyage avec compresses stériles imbibées d’éthanol a été conseillée pour éliminer les moisissures. De plus, comme dans le cas du reliquaire de saint Caprais, il était indispensable de maintenir une humidité plus basse et stable dans la vitrine pour éviter une nouvelle contamination. Le LRMH a alors proposé d’installer le système de régulation d’humidité par électrolyse à membrane de polymère poreux.
Texte : Romane Mazzieri
Un système au service de la conservation des textiles
Ce système de régulation de l’humidité a également son intérêt pour la conservation des textiles dans les vitrines. En effet, les fibres textiles sont hygroscopiques et donc très sensibles aux changements d’humidité. Si l’humidité relative augmente, les fibres absorbent l’humidité et gonfle, si elle diminue, elles se rétractent. Au bout d’un certain temps, ces variations provoquent la fatigue mécanique de la fibre qui finit par se casser.
En 2017-2018, les pôles Microbiologie et Textiles ont accompagné l’installation de ce système de régulation pour la vitrine du Voile de la Vierge dans la cathédrale de Chartres. En plus de l’installation de ce système, une étude climatique a été menée pour vérifier qu’il fonctionne, par le biais de l’installation d’un régulateur pouvant être suivi à distance.
Vitrine du "Voile de la Vierge", cathédrale Notre-Dame de
Chartres. 2018 (C) LRMH
En 2017, le musée-abbaye de Saint-Germain à Auxerre a également eu des problèmes de gestion climatique de deux vitrines contenant un suaire dans l’une, et une tunique dans l’autre. Les deux vitrines avaient été climatisées antérieurement mais le système de traitement d’air était en arrêt depuis quelques années, même si la circulation d’air était maintenue. De 2010 à 2016, des enregistrements des conditions climatiques (température et humidité relative) ont été réalisés, ils ont montré des fluctuations plus ou moins importantes de l’humidité relative dans les vitrines pouvant générer à moyen terme des altérations physiques des textiles. Ainsi, le LRMH a conseillé de stabiliser le climat à l’intérieur des vitrines, en utilisant le système de régulation par électrolyse. Pour équiper les vitrines, deux possibilités étaient proposées. La première était d’équiper les vitrines existantes en y apportant les mêmes modifications que pour la vitrine du reliquaire de saint Caprais. La deuxième était de concevoir de nouvelles vitrines directement équipées de membranes comme cela avait été mis en place pour la vitrine du voile de la Vierge de la cathédrale de Chartres qui était alors en conception. Les pôles Microbiologie et Textile du LRMH proposent à chaque fois d’accompagner et d’aider les demandeurs au niveau technique pour l’installation de ces systèmes de régulation des vitrines.